L’adaptation : Instaurer des repères sécurisants dans un nouvel environnement

L’adaptation : Instaurer des repères sécurisants dans un nouvel environnement

Adaptation, familiarisation, acclimatation…

  Quel que soit le terme choisi, cette période permet de tisser du lien, d’apprendre à se connaitre, de s’ajuster à l’autre, à ses besoins uniques, passer de la découverte d’un monde nouveau à « une douce familiarité ».

  Cette étape s’opère par l’instauration de repères sécurisés dans ce nouvel environnement, d’apprendre à reconnaitre les visages, odeurs, bruits…

  L’accueil sans préparation comporte des risques pour l’enfant : il peut se transformer en enfant hurlant, collé à la porte par où son parent a disparu, ou encore refuser de manger, de dormir… Dans d’autres cas, sa souffrance peut être moins bruyante et prendre une forme plus insidieuse : tristesse, repli sur lui, insomnie progressive ou encore maladie.

  Longtemps, l’adaptation a consisté à présenter à l’enfant tout le champ des possibles en lui proposant les différents temps de la journée et surtout de nouveaux aspects chaque jour de façon progressive : 1h le 1er jour le matin, 2h le 2e jour avec un repas, 3h le 3e jour avec une sieste… Ce panorama des activités plaît surtout aux parents ! Pour l’enfant, c’est un nouvel effort à fournir chaque jour pour prendre de nouveaux repères.

  Puis, l’avancée des connaissances dans le domaine des neurosciences a révélé que pour appréhender un monde nouveau, le cerveau va essayer d’identifier des régularités, afin d’être en mesure d’anticiper certains de ces aspects. Cette découverte a entrainé de nouvelles modalités d’adaptation basées sur la répétition de situations. En effet, la répétition de situations pratiquement identiques (arrivée à la même heure avec les mêmes jouets sur le tapis), au moins 3 ou 4 fois, permet à l’enfant d’assimiler que telle façon de faire correspond à son arrivée à la crèche ou chez l’assistante maternelle. Et ce, chacun différemment selon son niveau émotionnel et sa sensibilité sensorielle, s’il est plus sensible à l’un des sens, la vue, l’odorat, le toucher…Son cerveau anticipant ce qui l’attend, il arrivera le matin en confiance. Ce sentiment de sécurité se construit en présence du parent et perdurera en présence de son assistante maternelle. Ensuite, il lui sera plus facile d’être confronté à une situation nouvelle, horaire ou activité différents, puisqu’il aura identifié le lieu comme un endroit sécure.

  Lors du congrès en juin dernier de l’Institut Petite Enfance Boris Cyrulnik, Philippe Duval a questionné les modèles d’adaptation classique et universelle qui s’opposent à l’individualité de chaque enfant et de sa famille, sachant que 40 à 60 % des bébés ont de bonnes qualités d’attachement et de capacités d’adaptation. D’ailleurs, dans la majorité des cas, même les adaptations d’urgence se passent bien, sans que les étapes classiques aient pu se faire, ce qui montre qu’autre chose est en jeu, associé à ce lien de confiance à créer. Pour étayer ses propos, des adaptations à la carte ont été filmées en crèche et diffusées lors de la conférence. Lors des premiers échanges, la directrice est à l’écoute du niveau d’anxiété, exprimé ou non, ou au contraire de grande confiance des parents, et propose alors un type d’adaptation.

  Pour exemple, une maman très inquiète de la séparation avec sa fille a accepté de passer une journée entière à la crèche, seule. Le film a montré cette maman se « transformer » tout au long de la journée, de très stressée, elle est apparue détendue. Rassurée par les échanges avec le personnel et par ce qu’elle a pu découvrir et vivre avec l’équipe et le groupe enfants, elle a confié son enfant, dès le lendemain, et s’en séparer après ¼ d’heure de transmissions.

  Une autre situation montre un papa plus à l’aise passer 2 heures dans l’unité, avec son petit garçon de 15 mois. Temps suffisant pour lui d’échanger avec l’équipe et à l’enfant de prendre ses marques et s’éloigner peu à peu de son papa.

  Et encore cette autre famille, dont le père s’absentait pour plusieurs mois en déplacement professionnel rapidement après l’entrée à la crèche de leurs 2 enfants, qui a accepté la proposition de passer tous ensemble une bonne heure dans la structure. Le lendemain, les enfants y ont passé une petite journée. Les parents, ravis d’avoir pu profiter de cette journée, en couple avant le départ de Monsieur.

  Donc, pas de schéma unique pour organiser la séparation mais plutôt l’idée de préparer le terreau d’une bonne adaptation en prenant en compte :

          L’enfant : son âge, son style émotionnel, son rythme,

          Les parents : accueillir leur stress, leur inquiétude légitime,

  Les professionnels : l’environnement, le plaisir à accueillir dans de bonnes conditions et dans le respect de la famille, souplesse de l’organisation flexible en accueillant les parents selon leurs besoins et leur choix de rester le temps qu’ils souhaitent. En structure collective, un nombre d’enfants diminué augmente la qualité d’adaptation par une meilleure disponibilité des professionnels. Choix fait par des crèches de mettre en place une pré-rentrée, accueillir les nouveaux enfants avec un petit nombre d’anciens.

  Cette nouvelle façon d’aborder l’adaptation est valable tant pour l’entrée en crèche qu’au domicile d’une assistante maternelle. En revanche, l’accueil individuel présente l’avantage pour l’enfant et ses parents d’échanger avec une seule professionnelle, dans un environnement plus restreint avec moins de changements…

Source : Congrès IPE « Adaptation et familiarisation en question » Paris – 25 juin 2021